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paru dans X-Rock #5 Petit
Vodo Petit Vodo a décidé de pratiquer en solo. Ça a foncièrement bouleversé sa propre existence. Et la nôtre. Quel courage ! Le Bordelais est de cette dernière génération de bluesmen iconoclaste. Quant à son nouvel album, il atteste d'un talent immense enfin gravé dans la cire. L'écriture des chansons du nouvel album de Petit Vodo ont été bien longues... "Ça a macéré pendant presque trois ans. Mais l'enregistrement s'est presque fait d'un trait, comme une évidence. C'était un peu comme si c'était la première fois que je rencontrais les titres. Je les ai joués d'une manière spontanée et heureuse. Je ne pense pas avoir déjà atteint ce degré d'homogénéité dans mes disques précédents. " "J'avais inscrit sur le mur du studio le mot 'branleur' dès le premier jour. Je voulais me démarquer de la position introspective qui avait guidé l'écriture. Il était hors de question que je refasse éternellement telle ou telle partie instrumentale. Fallait que ça jaillisse ! Je suis fier de ce disque, il fait la nique à tous ceux qui ont tenté de me convaincre d'essayer d'autres voies. Il a sa place dans ma vie artistique et s'annonce d'ores et déjà comme un jalon pour moi." Une question brûle les lèvres, celle du syndrome de la page blanche puisque la solitude a ceci de particulier qu'elle interdit le partage et laisse le solitaire en proie à ses propres angoisses et ses incertitudes : "Ça m'arrive lorsque je réfléchis trop longtemps. Dès que je branche une guitare, les idées affluent. C'est comme ça depuis presque dix ans, pourvu que ça dure... Le blues et le rock sont des langages et comme toute langue, ils s'enrichissent lorsqu'on les emploie. Je tente modestement de parler cette langue et donc à ce titre je contribue à la pérenniser en apportant mon propre vocabulaire. Je me méfie des modes, je préfère les belles et longues histoires". En France, il y a peu de groupes qui font cet effort. "Oui, et en répétant toujours les mêmes choses, pire en faisant semblant d'être comme... ils assassinent ce qu'ils imaginent vénérer. Je ne vais citer personne car je vais encore me faire des ennemis parmi ceux qui pensent détenir le savoir blues. Ils ne savent rien sauf peut être comment placer les doigts pour obtenir telle ou telle fameuse note jouée par BB King ou Clapton. En me détournant de ces attitudes, je me suis attiré bien des reproches. Le blues est tout sauf une musique consensuelle. C'est un cri et si tu fais semblant, alors vaut mieux circuler." On pourrait objecter que le nouvel opus de l'Aquitain n'est qu'une pièce de plus versée au dossier si on est sourd, et que les berges de la Gironde ne recueillent pas la même population que les bords du Mississippi. "L'imagination n'est pas tout, si tu as ça dans le sang, c'est pour la vie. Il existe mille et une façons d'aborder la question du style de ta musique dans l'interprétation. Mais une seule est entière à mes yeux, c'est celle qui ne t'oblige pas. J'aime tellement la musique que je fais, qu'elle me semble naturelle, innée et donc jamais finie. Je crois que chaque titre, chaque disque est une brèche. On peut choisir de s'y engouffrer ou l'ignorer. Il n'y a pas de méthode pour faire évoluer une musique. Uniquement de la sueur et de la passion." S'il est une notion qui semble nous échapper, c'est la dimension sociale du blues. Petit Vodo s'en nourrit. "Je suis un ami proche de T-Model Ford. Les jours passés avec lui et son batteur Spam m'ont plus appris sur la réalité sociale du blues que n'importe quel bouquin. Je n'ai pas encore vu les films sur le blues produit par Scorsese et j'avoue avoir peur d'être déçu. Le blues a autant d'implications sociales avec ceux qui le chantent que le rap. D'ailleurs pour moi, c'est la même chose. C'est pourquoi j'aime G Love et RZA. " Vous
ne passerez certainement pas l'été sans croiser Petit
Vodo qui deviendra grand si les cochons ne le mangent pas avant... "Une
batteuse rouennaise et un bassiste m'accompagnent sur quelques titres
phares. C'est une nouvelle mutation dans ma vie. Le One Man Band est
toujours présent dans le show, mais il est de plus en plus un
prétexte. " "A Little Big Pig With A Pink Lonely Heart"
suscite un engouement sans cesse croissant... "Il y a des pressions.
Mais elles vont dans le bon sens. Je vais bientôt repartir en
Angleterre. J'ai confiance car je suis épaulé par une
superbe équipe, celle que je souhaite à tout artiste.
Le concert n'est pas un 'vérificateur', il prolonge le propos,
parfois ailleurs. Le disque trouvera son public, j'en suis convaincu
et mes concerts, le sien. Si c'est le même, tant mieux."
Jouez ce disque en lisant "Dernières nouvelles du blues"
(Éditions l'Écailler du Sud, 7,50 E) de Luc Baranger et
la vie vous paraîtra plus belle. |