Interview de Petit Vodo
pour Rock & Folk #377

(janvier 1999)
par Vincent Hanon

Faux lampiste aux mains sales, ce Hussard sous les toits redescend du grenier avec une panoplie de genres qu'il astique avec bonheur. Jouissif.

"Moi, je le trouve vraiment mignon" Courtney Love

Rock & Folk : Drôle de paroissien que ce Petit Vodo. Batteur à l'origine dans le groupe TC Walk, il navigue d'abord dans l'underground bordelais (Dèche Dans Face, Belly Button, Jerky Turkey... ) avant d'enregistrer les neuf titres de sa carte de visite raturée dans les studios de Noir Désir. Son truc : triturer le blues le plus cradingue, lui arracher les tripes à l'aide d'une guitare électrique pourrave et de tout un tas de bidouillages en tout genre (zappings de radios, samples incongrus) pour le ranimer façon Jon Spencer Blues Explosion. Homme orchestre frappadingue, ce Rémy Bricka de garage est influencé par des choses salaces et contemporaines (Beck, G Love, Soul Coughing), les productions et l'esprit roots du label Fat Possum (RL Burnside, T-Model Ford, Hasil Adkins) et le rock'n'roll le plus déglingué qui soit (Cramps, Oblivians, Penthouse). Tout en préservant, Hexagone oblige, un esprit sarcastique hérité de Hector (taxé à l'époque de Screamin' Jay Hawkins hexagonal), voire d'un Henri Salvador époque Boris Vian. La racine commune à l'équation, c'est cet indispensable soupçon d'honnêteté flinguée qui différenciera toujours un bon disque rigolo d'un mauvais glissant maladroitement sur les parois de la mode. Petit Vodo, qui vient de jouer aux vingtièmes Transmusicales de Rennes (avec Virago et Kyu) et qui ranimera très prochainement la flamme de Little Bob le temps d'une collaboration qu'on pressent étonnante, argumente avec ardeur.

Contemporaine

R&F : comment est née la singulière expérience Petit Vodo ?

Petit VODO : pour un groupe, la formule idéale c'est le trio. La contre formule, c'est être deux. Etre tout seul, c'est encore autre chose. A Bordeaux, plusieurs personnes ont ressenti il y a quatre ou cinq ans ce besoin de casser les systèmes. C'est tout d'abord né avec des duos comme Belly Button ou Dèche Dans Face. Tout ça fonctionne à partir d'une essence assez rock'n'roli, pas au sens cliché du terme façon cuir/banane, mais qui en passe par une lecture contemporaine et moderne.

R&F : Beatles ou Rolling Stones ?

Petit VODO : il est clair que j'ai toujours été beaucoup plus rollingstonien dans l'âme que beatlesien. J'ai passé toute mon enfance à écouter les Stones, Them ou les Animals. J'ai juste progressivement ouvert mon champ d'investigation artistique. Je pense qu'il y a toujours quelque chose d'intéressant à prendre : rap, garage punk ou jungle africaine. Par exemple, j'ai fait quelques dates avec Urban Dance Squad. Ça m'a fait très plaisir que DNA, le DJ du groupe, remixe un de mes titres en vinyle et qu'il le passe en rave. Il faut s'élever un petit peu. En s'intéressant à d'autres démarches, on s'ouvre tout simplement à sa culture contemporaine. C'est la grande force de gens comme les Beastie Boys, Beck ou Jon Spencer.

Langue

R&F : le blues en Français ?

Petit VODO : je ne veux froisser personne mais il y a très peu de gens qui font du blues français qui m'accroche. Souvent quelque chose sonne faux. Moi, je ne fais pas du blues mais j'aime et je revendique l'attitude blues.

R&F : dans votre cas, la langue ne semble guère être un obstacle. il y a ce titre ("Try To Fly") avec ces couplets en français...

Petit VODO : ma voix reste avant tout une matière. Au départ, l'anglais est venu naturellement. Je l'ai toujours utilisé comme un instrument à part entière. Ça fait partie de mes références, des vingt ans de disques que j'ai pu écouter. Le but, c'est avant tout de rapprocher Slim Harpo des Kinks. Concernant les thèmes déclinés, ça parle autant de femmes, de sexe que de mal être.