"Roll
Up ! Roll up for the mystery 69 stereovox man !"
article
paru dans Abus Dangeureux #67
(été 2000)
N'ayez
pas peur,
venez faire connaissance avec ce petit bonhomme qui fait hurler les
guitares, éructe des onomatopées incompréhensibles mais diablement suggestives
et rivalise avec les meilleurs de batteurs de jazz. Ladies and Gentlemen
! Petit Vodo ne joue pas de blues, il ne fait pas du rock'n'roll, il
ne s'adonne pas à l'électronique. Non, il a depuis longtemps jeté ses
livres de cuisine pour créer ses propres recettes cafouilleuses et torrides
qui font se trémousser les jeunes filles pas farouche et taper du pied
les vieux bluesmen qui en ont pourtant vu d'autres. D'autres l'on dit
avant lui : cet homme n'est pas blanc, il n'est pas noir, il est gris.
The 69 stereovox man is waiting to take you away in his choo-choo train.
Mind the gap !
Sébastien
Chevalier
donc étant l'un des artistes français les plus inventifs, curieux et
ouvert qu'il m'ait été donné de rencontrer depuis trois ans (Un jour
à Bordeaux, le 14 juin 1997, 18h3O), il me paraissait intéressant
d'aller au delà de la simple présentation condensée par interview. Ça
tombait bien, il cherchait à témoigner du mode de vie dit rock'n'roll,
tel qu'il est devenu en l'an 2000. D'où l'idée de faire un bout de chemin
ensemble en terrain neutre, soit hors de France. Car mine de rien le
personnage a déjà conquis un certain public en Suisse, en Belgique,
en Espagne et en Angleterre. L'Angleterre, son pays d'adoption semble-t-il
via Butcher's Wig, le label qui a découvert Penthouse... qui a découvert
Petit Vodo... qui a découvert Bone Box... Le cercle vicieux du bouche
à oreille, de la confiance et du respect mutuel entre artistes de qualité(s)
est l'un des moteurs de ce petit label anglais qui, comme Vicious Circle,
sue vynil et adrénaline pour donner à ses groupes les moyens de se faire
entendre. Ce qui dans le cas qui nous intéresse a permis au premier
mini album "Monom" de se transformer en album à part entière
sous le titre de "Monom #" et offre à partir d'avril une distribution
internationale à "Sixty Nine Stereovox". Ce deuxième album
sera donc le prétexte d'une tournée de 15 jours en Grande Bretagne où
l'on retrouve dans le premier rôle Petit Vodo, celui du support band,
les six membres de Bone Box, celui du producteur/supporter Nigel Adams
et celui de la narratrice Cathimini... en VO only!
My
name is Petit Vodo,
I come from Bordeaux, France... et c'est parti pour plus de 45 minutes
de musique, de rythme, et de jeu. Upstairs at the Garage, London, c'est
fort, très fort ! Tout le gratin londonien est là pour voir le phénomène.
Premier concert pour se mettre en jambes, mais ce sont les oreilles
qui prennent. Ce trop plein de décibels ne rebute pourtant pas les journalistes
et les fans enthousiasmés par le côté frenchy que cultive Petit Vodo,
qui fait pourtant des efforts pour parler anglais à son public. Quand
il ne travaille pas au corps son harmonica, il tripote les boutons de
ses boîtes à bandes plus cinglées les unes que les autres avant de finir
de nous embrouiller les idées avec un zapping en direct des stations
locales captées sur son préhistorique poste de radio. Seule déception
: avoir erré tout l'après-midi dans les rues du Londres populaire à
la recherche d'une bouilloire, s'être finalement rabattu sur une théière
et ne pas avoir eu le temps de l'utiliser pour cause de set tronqué.
Il ne faut pas oublier qu'on est en Angleterre où la durée moyenne d'un
concert est de 45 minutes. Difficile dans ces conditions de présenter
toutes les facettes d'un spectacle qui dure normalement lh2O avec un
ordre de chansons bien établi pour faire monter l'adrénaline, dispenser
un peu d'émotion, faire groover son monde et finir en zone non contrôlée.
Pays
de Galle
Nous aurons plus de chance avec le Pays de Galle. Nous voilà dans le
mythique TJ's de Newport, le club où Courtney Love et Kurt Cobain se
seraient rencontrés et où les Burning Heads vont faire quelques vagues
la semaine suivant notre passage. L'affiche est éloquente : You have
to see this French one-man band playing totally messed up Io-fi
Jon Spencer type stuff ! L'enthousiasme et le professionnalisme
des organisateurs de cette date est à signaler car ils valent aux deux
groupes une grande scène avec un ingénieur du son et des lumières dignes
de ce nom, un repas chaud servi par le patron en personne et un toit
pour dormir. Toutes choses paraissant normales ici en France, mais qui
sont exceptionnelles en Grande Bretagne pour des groupes inconnus, considérés
comme les amuseurs d'un soir par les limonadiers qui leur allouent un
coin de pub, souvent mal éclairé et les foutent dehors à l'heure du
couvre feu sans même leur offrir une bière. La soirée, presque intime
à cause du nombre limité de personnes présentes, finira dans la liesse
vers 3 h du matin, tout le public dansant sur scène et nos hôtes au
milieu.
"You
dont move your head,
you don't move your bands, you don't move your lips, just shake
your hips !" autant dire mission impossible quand on se trouve
face à l'artiste qui vous balance ses boucles rythmiques dans les jambes
et écorche ses guitares en riffs qui démangent la colonne vertébrale.
C'est ce qu'ont du penser les trois hurluberlus qui occupent toute la
scène du Core Club de Brighton, obligeant le reste du public à se garer
pour ne pas provoquer de collisions qui pourraient devenir catastrophiques,
vue la taille du lieu. Après s'être bronzé sur la plage de galets en
mangeant des fish'n'chips dégoulinant d'huile, une descente virtuelle
sur le mythique toboggan géant Helter Skelter s'impose. Mais c'est le
bruit infernal des machines à sous du Palace Pier qui électrocute les
sens de Petit Vodo, toujours à l'affût de bruits étranges à sampler.
L'odeur de moquette poisseuse et de bière séchée prend à la gorge à
l'ouverture des portes du club. Une odeur oubliée bien vite car c'est
la même d'un lieu à l'autre, la plupart du temps un club au plafond
bas en sous-sol ou un fond de bar dont l'aération est plus que douteuse.
Brighton curieusement sera l'occasion de découvrir des compilations
de rock 60's français équivalentes aux Peebles que passe l'organisateur
de la soirée dansante qui suit : "Ils sont fous ces Gaulois".
"I
wanna fly now !"
Sans pousser trop loin l'interprétation des hésitations du Petit Vodo
assis sur le rebord de sa fenêtre qui regarde là-haut dans le ciel,
c'est ce qu'a dû se dire Sébastien à la fin de cette deuxième journée
à Londres, tellement éprouvante et incroyable que je ne peux la passer
sous silence. Rough Trade organise chaque samedi après-midi des sessions
gratuites au Notting Hill Arts Club, autrement plus agréables que les
showcases de la FNAC. Projections psychédéliques et ambiance galerie
d'art pour un public fauché, jeune et curieux, éberlué de voir tout
ce que l'on peut faire avec une théière bien embouchée. Après le concert,
tout le monde veut parler à l'homme au chapeau dont la taille est inversement
proportionnelle à l'impression qu'il fait. Mais ce coup-ci pas de temps
pour les congratulations et les baisers, il faut traverser la ville
pour déplier au plus vite la table roulante à The Garage, downstairs
cette fois. je me sens perdue au milieu de tous ces proto-punks et teenagers
skaters venus applaudir The Queers. Pas seulement le temps d'aller pisser
que Petit Vodo enchaîne la balance avec son set. Quelques crêtes avec
flash s'avancent, intriguées, amusées, allant même jusqu'à applaudir
bruyamment. Pourtant le coeur n'y est pas. Autant le set de 16h était
frais et fantaisiste, autant celui de 19h3O est automatique et bâclé.
20h, je cherche partout un chapeau de paille avec des lunettes d'aviateur
au milieu de la foule qui a envahi la salle. Le videur m'indique une
porte... qui donne sur l'arrière de The Garage. Mais non, je cherche
les backstages ! Il insiste, alors je me penche derrière la porte, et
là je n'en crois pas mes yeux : Sébastien et Nigel sont en train de
ranger des câbles et des éléments de batterie sur le trottoir, à la
lumière d'un réverbère. "Tu n'oublieras pas de leur raconter,
n'est-ce pas !' Comment oublier cette image de l'artiste et son
label manager, jetés sur le trottoir par une salle, qui sous prétexte
de payer les groupes les traite comme des chiens. Petit Vodo sait que
son destin, son inspirateur, son animal totem est le chien... mais quand
même le rock'n'roll, ça devrait être autre chose !
Hey
Mama ! Show me the way.
La boucle a un son déglingué juste ce qu'il faut pour vous prendre aux
tripes. Sonorité rustique où se greffe la guitare électrique complètement
décousue. La voix est assurée, pourtant Petit Vodo n'arrête pas de rappeler
qu'il est juste un enfant dans sa tête et qu'il est étranger à toutes
ces pratiques que l'on regroupe sous le terme de LOVE. Maman, explique-moi
! crie-t-il. Quel menteur ! a-t-on envie de répondre. Déjà l'écoute
des boucles qui font monter la température de "Big like that"
suggèrent deux gogo girls en petites tenues qui lui caresseraient plus
que les oreilles. Le bougre sait jouer avec les moyens du bord pour
donner une consistance des plus troubles à son personnage. Sexy donc,
assurément quand il dégrafe sa chemise bleu pour offrir son torse nu
à la convoitise féminine. Amusant, quand il se coiffe de son bonnet
d'aviateur et en relève les oreilles. Inquiétant, quand il se prend
à lancer son rire démoniaque à travers la spirale de son micro à effets.
Furieux, quand il se met en tête de venger Bone Box victime de l'incompétence
de l'ingénieur du son de The Foundry à Birmingham, trop stoned pour
faire son boulot correctement. "Let me be your tiny suckerdog."
Attention ce chien-là n'est pas le gentil toutou à sa mémère comme il
essaie de le faire croire. S'il aime amuser la galerie et se faire caresser
dans le sens du poil, il sait aussi mordre quand il le faut. Et là il
vaut mieux ne pas sous estimer sa force. De fait le public s'arrête
de parler dès la moitié du premier morceau, abasourdi par tant de violence
contenue dans un si petit corps. Au bout de deux morceaux, tout le monde
est debout. Au bout d'une heure, les gens sont sur les tables et en
redemandent encore et encore. Mais la nuit est bien avancée et la route
est encore longue jusqu'à Manchester !
pizza
and kebab city
Deux days off dans la ville des Bone Box, rebaptisée pour l'occasion
"pizza and kebab city" : la coupure est un peu dangereuse
car elle vient casser le rythme qui commençait à s'installer : camion
/ visite ou sound check / restauration / concert / ovation / beaux rêves...
mais elle est nécessaire pour recharger les batteries des membres du
groupe qui nous servent de chauffeurs et qui chaque jour se tapent plus
de 6h de camion. Sébastien en profite pour occuper son temps entre tourisme,
shopping, critique d'art, dégustation de produits locaux, écriture et
malsaines lectures. A ce sujet, il faut souligner l'importance du Daily
Sport dont les pages de petites annonces coquines ont permis à "Ladies
in my head" de prendre forme(s), même si personnellement je pense
que ce journal est un vrai torchon (même pas sûr qu'il soit assez solide
pour ça !). Mais revenons dans les salles obscures, si l'on se détourne
quelques instants de la scène, on remarque que Sébastien est là, discret
et attentif à tout : 1 niveau sonore de la guitare de Chris, la demande
d'autographe d'un fan, l'enthousiasme vacillant du public, un verre
opportun pour celle qui écrit dans le noir... Le carnet à portée de
main, le mégot aux lèvres, les yeux bien ouverts, il reste dans la pénombre
de la salle jusqu'à la dernière minute. Vous avez dit prétention ?
influences
Lightning Hopkins, Screaming jay Hawkins, Robert Johnson, Skip James,
Robert Taylor, Jon Spencer Blues Explosion... La liste évolue au gré
de l'inspiration. Comme pour bien montrer que si sa musique mêle des
éléments de toutes les musiques électrifiées du xx° siècle, l'inspiration
vient du blues. À ce titre la rencontre avec T Model Ford et le label
Fat Possum ont été aussi importantes pour l'évolution du personnage
que celle de Penthouse il y a quelques années. "I wanna talk
about my five friends and you." Mais de ces cinq gars,
on ne retient que le nom de celui qui aime à raconter l'histoire de
ces noirs qui ont traversé l'Atlantique pour se retrouver en Louisiane
et qui ont ensuite pris le (choo-choo) train pour Chicago avec pour
tout bagage une guitare ou un harmonica. Pour leur rendre hommage, une
reprise de LR Burnside s'immisce aussi dans le set : "Georgia Woman",
une chanson trouvée sur une face B, presque reniée par son auteur et
à laquelle Sébastien a donné une deuxième jeunesse. Exercice qu'il affectionnait
au temps où il faisait partie de TC Walk.
une
vie avant Petit Vodo
Et oui, il y a une vie avant Petit Vodo, et même plutôt riche et longue
d'aventures musicales, graphiques voire cinématographiques. Mais le
présent est si dense et plein d'événements qu'on n'évoquera le passé
que pour préciser à la demande insistante de l'intéressé que Sébastien
n'est que la vitrine d'un travail collectif effectué par Eric Bling
qui travaille les mélodies et les sons lors de la préparation des morceaux
et Laurent d'Image en Blocs qui ne se contente pas d'ajouter sa griffe
sur les pochettes, les affiches, les cartes postales... puisqu'il est
aussi l'instigateur du stereovox concept. Il existe une telle complicité
entre ces trois qu'il se pourrait même qu'un de ces jours, le groupe
se matérialise sur une scène. Gageons que la vente de quelques milliers
d'exemplaires du remix dance floor du tubesque "Big Like That"
permettra de sortir "Petit Vodo and Friends", un de ces disques
surprise dont Beck a l'habitude.
Nottingham
Mais pour l'heure, c'est le personnage de Petit Vodo qui attire tous
les regards du public de The Maze à Nottingham, un endroit boisé et
chaleureux où l'on se sent presque chez soi. Mai pas question de ronronner
au coin du feu, le French Lover est en ville et il est bien décidé à
faire honneur à cette réputation. Il sort l'artillerie lourde, clins
d'oeil, mots gentils à l'adresse du public féminin, esquisse de strip
tease. La voix se fait lascive : My name is p...e...t
i
t...v...o
d
o,
insistante, plaintive, à la limite du gémissement : what I said...
P.E.T.I.T V.O.D.0 ! Comment résister à l'appel insistant de cet
être en plein effort, les yeux mi-clos, penché sur son micro qui hurle
presque à la mort ? L'évanouissement est proche mais aucune jeune fille
ne se décidant à jeter sa petite culotte sur scène, de rage Petit Vodo
frappe le manche de sa guitare avec les baguettes avant de les entraîner
dans un roulement de caisse claire et c'est reparti pour un autre trafic
sonore, un autre rythme, une autre chanson.
Who
was born in 1969 ?
Pas
de réponse. I was born in 1969! Pas moi, alors il me faudra
quelques temps pour dissiper les volutes psychédéliques qui symbolisent
ma propre année de naissance et voir arriver en face la vague gainsbourienne
de cet été mythique que Petit Vodo reprend à son compte. Est il bien
raisonnable de vous dévoiler les histoires du 69 stereovox man que relate
cette chanson ? Autocensure, fausse pudeur, démagogie, machination pour
vous faire acheter le disque ? Pensez ce que vous voulez, on en reparlera
une fois que vous aurez écouté la dite chanson. Concentrons-nous sur
le côté stereovox car tout le nouvel album est basé sur la dualité des
voix, filtrées, distordues, dédoublées... Une dualité traduite sur scène
par la complémentarité bande / live qui donne des versions hallucinées
des différents morceaux. Mais là, au Night and Day bar de Manchester,
quand la grosse caisse refuse de rester à sa place, que les boucles
se mettent en marche intempestivement et que le pied de batterie se
dévisse en plein morceau, c'est tout le concert qui se retrouve en danger.
"Il ne manquerait plus que je casse une corde !"
Bof, ça mettrait un peu plus de harissa dans le kebab. Ah, Madchester,
tu n'as pas volé ton surnom !
I
travelled a long time to be here.
L'avion, le train, le van, la voiture, et nous aurions parcouru
toute cette distance depuis Bordeaux jusqu'au Bridge Hotel de Newcastle
pour ne jouer que 20 minutes ? Pourtant le lieu en a vu d'autres à en
croire le décor : premier étage d'un pub de luxe aux murs tapissés de
motifs très vieille Angleterre et de photos de groupes de jazz et de
country des années 50 à nos jours, certaines dédicacées. Sur le côté
de la scène, une large baie vitrée, décorée de vitraux qui donnent sur
le château de la ville, au fond un bar tout en bois ciré, au plafond
un ventilo et des lustres. Justement ce sont eux qui nous cassent l'ambiance
à 23h, se rallumant au milieu d'un enchaînement pour signifier qu'il
est l'heure de rentrer chez soi. Bone Box se rebelle, le public se rebelle
et Petit Vodo sort de ses gongs. Il accélère le rythme de "Try
to fly', le pieds dérape sur "Borderline" pour enchaîner sur...
C'est la folie, les gens sont sur les tables réclamant encore un peu
de musique, mais le service de sécurité débarque et là, ce n'est plus
l'heure de faire de la résistance car les gars sont plutôt costauds.
Le chien sait quand il faut faire le dos rond et rentrer à la niche,
même s'il est aussi injuste pour l'artiste que pour le public de n'avoir
pu profiter que d'un demi concert. Et tout le monde va se coucher sans
reprendre à son compte le traditionnel cliché alcool, fumée et p'tites
pépés qui pourtant ne manquent pas au centre ville. Blondes ou rousses,
maquillées comme des sapins de Noël et vêtues d'un simple mini tailleur
bleu, rose ou violet à la mode... Elles vont dos nu par 5°C à la lueur
de la lune, en grappes de filles ou accompagnées par de gros costauds
en manches courtes. Qu'est ce que vous voulez que deux petits français
emmitouflés dans leur gros blousons aillent faire au milieu de ce poulailler
? C'est ce qu'ont du se dire les organisateurs du concert, dignes représentants
d'une certaine élite garage 60's qui nous ont envoyés au lit vite fait
pour que nous soyons en forme le lendemain, alors que l'adrénaline était
encore à un taux élevé. Rock'n'roll, only rock'n'roll!
La
dernière journée
a une humeur changeante et insaisissable, comme le temps à travers la
campagne écossaise. A midi, tout est magnifique : le soleil, la plage
de sable fin, les dunes surplombées par le château de Bamburgh. Que
n'avons nous donné pour nous retrouver là sereins, tranquilles, goûtant
un instant de calme et d'excellents scones! A 15h, il tombe des flocons
fondus, nous nous faisons arrêter pour excès de vitesse, et les courants
d'air dans le van s'acharnent sur moi. Mais personne ne peut étouffer
cette petite voix qui tous les soirs nous crie dans l'oreille intérieure
: Are you readyyyy ? et dans le sous-sol du 13th Hole de Glasgow,
le public répond à l'appel tandis que la cloche de "Spam Cow"
tinte dans la boîte. Une boucle rustique, une théière à 30 pence, un
micro des années 50, une lampe de chevet démoniaque, l'histoire de cette
vache seule dans son pré pensant à son batteur de propriétaire prend
un tournant inattendu. Petit Vodo se lève... Tout devient tellement
absurde, survolté, déconnant qu'on ne peut pas s'empêcher de chanter
en choeur "I'm a poor lonesome, poor lonesome, poor lonesome
Spams cow " même si Spam a quitté depuis longtemps T
Model Ford pour retrouver sa compagne. Et nous, quand on pense qu'il
va falloir quitter cette île et ses habitants, on en a l'esprit tout
retourné, le concert chaviré et l'oeil humide.
Mais
pas le temps de s'éterniser
en longues embrassades avec la seule représentante du fan club bordelais
d'Edimbourg ou de noyer notre nostalgie naissante dans un verre. All
on the board car c'est pas tout ça mais il y a du chemin à faire jusqu'à
Manchester. Refrain connu depuis le début de la tournée mais dont les
Bone Box ne se lassent pas. Vous y croyez à ça : quatre heures de route
non stop direct après le dernier concert d'une tournée de deux semaines
et pas une bouteille d'alcool fort vidée dans le gosier ? La nuit, sur
l'autoroute déserte, sept personnes dorment à poing fermé tandis que
le huitième les amène à bon port dans l'aube rougeoyante. Derniers instants,
dernières émotions : le déchargement du camion et la séparation sur
le trottoir dans le petit vent froid du matin en se jurant qu'on se
retrouvera tous ensemble sur les routes de France pour continuer l'aventure.
C'est ça le vrai rock'n'roll !
Cathimini
PS
: Ça vous a plu ? Vous en voulez encore ? Alors écrivez au journal [Abus
Dangereux] pour réclamer les prochaines aventures de Petit Vodo et Cathimini
au Japon. (euh... toute offre de sponsors au voyage est la bienvenue).
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