Interview
de Petit Vodo Passé
musical E&M
: Il parait que c'est très figé comme école de batterie... Ecole
de batterie En
3 jours et 2 nuits E&M : Peux tu me parler du studio, la façon dont tu enregistres... PV
: Disons que j'ai tendance à penser qu'il faut profiter de tout ce qu'il
y a sur le moment, que ce soit une scène, un public ou un studio. Le
maxi par exemple a été enregistré en 3 jours et 2 nuits, 14 titres.
En fait, j'ai fait un gros live qui à duré 24 heures (sur plusieurs
fois) et ensuite on a défriché tout ça, et j'ai rajouté une deuxième
voix de temps en temps, des effets, une basse sur certains passages,
quelques samples en boucle très simples pour que je puisse le refaire
sur scène. Mais l'énergie du maxi à été faite live. C'est un live remixé
en fait. Mais pour le nouvel album je vais travailler un peu différemment,
j'ai plusieurs étapes... Enfin j'en parlerai quand ce sera fini.
E&M : Tu vas jouer des morceaux qui figureront sur le prochain album ce soir ? PV : Il y en a deux qui risquent d'être sur le disque. Mais la plupart des choses que j'ai écrites ou qui sont en cours d'écriture ne seront pas jouées ce soir. E&M : Pourquoi ? PV
: Parce que le passage en studio, stabilise le morceau, le concrétise...
Le studio m'a permis de caler les choses, et de faire en sorte qu'il
y ait moins de part à l'improvisation, mais plus à l'organisation, de
façon à ce que le public qui connaît mes disques puisse reconnaître
le morceau, et pour qu'il se sente à l'aise même si ce n'est pas mon
objectif (rire). Donc à part un ou deux titres, je suis sûr que je les
jouerais différemment après être passé en studio.
E&M : Il y a une part d'improvisation en studio ? PV : Oui, et cette improvisation devient ensuite le schéma du morceau. E&M : Ton morceau est déjà prêt avant le studio ou tu arrives sans rien avoir ? PV : Oui, j'ai déjà la trame. Jj'ai un texte. Je sais comment je vais faire... J'ai quelques fois des bandes sur DAT, que je mets en boucle. Beaucoup de choses sont construites en studio, tout se passe là. Pour le maxi j'avais 3 jours et deux nuits pour enregistrer et pour l'album j'aurai 15 jours et 15 nuits pour enregistrer. Donc j'ose espérer que je vais enregistrer pas mal. E&M : Tu dois être crevé après ça ? PV : Oui mais à la Grosse Rose, c'est une maison où il y a une cuisine, des chambres, un jardin, barbecue... C'est assez cool. j'ai même l'intention d'enregistrer un titre dehors pour entendre le bruit des poules et de tout ce qu'il y a autour. Passé
à la moulinette PV : Hé bien, parce que pour moi je pense qu'une musique est vivante à partir du moment où elle n'est pas figée. C'est à dire que ça ne m'intéresse absolument pas d'être un interprète de pensifs musicaux. Ce qui m'intéresse c'est la recherche musicale. Donc je prends un genre et je le transforme à ma manière - après les gens aiment ou pas - et je le pousse ailleurs, dans un truc où, peu ou personne, n'est allé encore... Ça me gonflerait de jouer un standard de blues tel que tout le monde le connaît. Ce n'est pas quelque chose qui m'intéresse. Il y a des groupes qui me plaisent, mais moi j'ai une autre attitude, j'ai envie d'essayer autre chose. Et puis déjà, par la forme même de mon spectacle, le fait que je sois tout seul, je suis obligé d'inventer une autre technique, sinon je pourrais avoir un séquenceur, avec plein de parties enregistrées, et puis j'aurais juste à chanter Mais ça ressemblerait à de l'animation, donc je n'ai pas envie de ça. J'ai envie de bricoler, de prendre un genre et de le faire passer à la moulinette, en sortir une substance, et garder juste "ça": et ce "ça" qui sort, l'interpréter d'une manière déjantée, décalée... C'est ce qui m'intéresse. Et à chaque fois que mon spectacle ou mes morceaux ressemblent à des pensifs, d'un seul coup j'explore un nouveau genre. J'ai même lu récemment une chronique d'un groupe dans un magazine qui disait "truc genre Petit Vodo". Ça me fait plaisir mais je me méfie des choses figées, je n'ai pas envie de ça, je veux comme pour le maxi que cet album surprenne. Je veux qu'il y ait plein de surprises, et mon spectacle est conçu pareil, un jour je peux me mettre à passer à la moulinette les Who en cassant tout le matériel comme l'autre jour en Espagne (rires) E&M : Les organisateurs devaient être contents PV : Ho oui, ils étaient très contents. A
moi les petites anglaises PV
: C'est très intelligent comme question... Ça a été ma problématique,
surtout ma première année de concerts jusqu'à la sortie du maxi, les
gens avaient tendance à ne retenir que l'aspect spectaculaire, scénique
de la chose. Et avec le disque les gens ont vraiment découvert la musique.
Je crois que maintenant c'est partagé, il y a deux types de public qui
aiment mon travail. Il y a celui qui connaît l'album et qui va y retrouver
quelque chose, et il y a celui qui ne va retenir que le côté spectaculaire
qui est quand même une partie de mon travail que je ne peux pas exclure.
Mais par exemple là où ça a été très riche pour moi c'était en Angleterre
où j'ai sorti un single sans ne jamais avoir tourné là bas. Quand j'étais
en tournée en France avec Penthouse, ils avaient ramenés mes bandes
à Londres et le label a tout de suite craqué. Ils ont sorti un single
qui s'est vendu comme des petits pains là-bas à Londres, ils m'ont fait
venir et le concert était plein à craquer, c'était vraiment très chouette
pour moi. Et les gens aimaient, Ie Melody Maker, NME tout ça, avaient
écrit sur ma musique. Ça a été important pour moi. Les gens ne m'avaient
jamais vu même pas en vidéo ni rien, et ils critiquaient, et parlaient
de ma musique, en bien... Et donc avec en plus le spectacle, ça a fini
de les asseoir si je puis dire (rires). Je suis donc retourné deux mois
après, faire une tournée là-bas. Sur toutes les dates, ça a été les
mêmes remarques parce que les gens connaissaient l'album. Parce qu'en
fait en Angleterre les labels anglais sortent souvent un single d'abord
et ensuite l'album. Un mois après la sortie du single, ils ont sorti
l'album alors que cela aurait pu prendre 6 mois. A Londres, j'ai rencontré
des gens formidables qui vont sûrement masteriser ou remixer un de mes
titres sur le prochain album. J'ai rencontré par exemple les gens d'Atari
Teenage Riot. Normalement Alec Empire devrait remixer un de mes titres
s'il en trouve un de bien sur le nouvel album pour la version anglaise.
J'ai rencontré des DJ londoniens avec lesquels j'avais joué en France,
des gens qui tournent autour de Fat Boy Slim... A Londres, j'ai tout
de suite joué dans de chouettes lieux comme The Garage. J'ai rencontré
des gens comme les Queers. J'étais sous licence et sous contrat d'artistes
avec Vicious Circle, donc mon nouvel album devait sortir sur Vicious,
mais comme je voulais absolument travailler avec les anglais, comme
ils ont le territoire australien, américain et anglais, et que ça marche
bien pour moi là bas, j'ai réussi à faire le deal de la coproduction
de l'album qui sortira en même temps en France et en Angleterre...
E&M : Qu'est-ce qui t'influence qui ne soit pas forcément musical ? PV : Enormément de choses, la sculpture et la peinture, et aussi le cinéma sont du domaine des arts plastiques. Je suis agrégé d'arts plastiques. J'étais encore l'an dernier enseignant à l'université de Bordeaux, et tout ce domaine-là, que ce soit la danse, la peinture... la création sous toutes ses formes, toute cette richesse là m'inspire beaucoup. La littérature également, certains jeunes auteurs américains, par exemple là j'ai découvert une collection... (il fouille dans son sac et sort un roman de Tony Hilerman). Ces gens écrivent des polars modernes qui se passent dans des réserves américaines... Ce sont des romanciers qui - comme j'essaie de le faire dans ma musique - bricolent avec le passé et le présent. C'est vraiment ce que j'aime dans tous les domaines, cette synthèse qui peut être faite entre la technologie et la pensée moderne, c'est à dire on est plus il y a 20 ou 30 ans... Donc j'utilise quand même un sampler, mais mon sampler ressemble plus à un jouet qu'à un vrai sampler, mais j'utilise ça avec en même temps des textes du passé, et tout ça pensé dans une dynamique moderne... C'est ce que j'aime retrouver dans la littérature, la sculpture, le théâtre, la danse, dans les scénographies de Robert Wilson, qui sont pour moi des gens qui sont en phase avec leur époque... A ce sujet je travaille assez régulièrement avec des scénographes qui font du théâtre ou des films, dernièrement j'ai composé la bande son d'une installation super 8 qui tourne en ce moment en France dans des galeries d'art contemporain. J'ai aussi écrit la bande son d'un film qu'un jeune cinéaste scénographe m'a demandé de sonoriser. Et normalement vers fin novembre, début décembre je devrais jouer en direct quand ce spectacle viendra à Bordeaux. C'est vraiment des choses comme ça qui m'intéressent. Bordeaux PV
: Je connais bien le milieu musical à Bordeaux car j'y traîne depuis
des années. Je connais beaucoup de gens là-bas. Je connais bien les
Dèche Dans Face. D'ailleurs je vois toujours Jérôme. Je connais les
Belly, les Hurlements, etc. Mais à part ça je n'ai pas grand chose à
dire sur Bordeaux et ce qui s'y passe... Il y a 3 ou 4 ans il s'est
passé une chose assez formidable à Bordeaux qui m'a permis d'arriver.
Il y a eu une vrai effervescence de création avec Dèche Dans Face, avec
Belly Button et je suis arrivé à ce moment là, le hasard faisant bien
les choses
Il y avait un certain regard de la part des autres
villes de France sur Bordeaux, sur ce qui naissait, et ça m'a permis
d'avoir une ouverture d'esprit vers d'autres choses... C'est vrai je
me souviens au confort Moderne (à Poitiers), je faisais les balances
et le régisseur vient me voir et me dit : "ils sont tous comme
toi à Bordeaux ?". Mais je trouve que ça a un peu disparu, on est
revenu un peu dans le creux, moi-même je ne vis plus à Bordeaux depuis
quelques jours, je me suis installé dans les Landes, mais je travaille
toujours à Bordeaux, Petit Vodo est toujours de Bordeaux. Sinon le seul
avis que je peux donner c'est qu'il y a moins de créativité musicale,
mais que paradoxalement il y a plus de groupes à Bordeaux.
E&M : Pourtant dans les fanzines encore maintenant Bordeaux est très cité... par exemple tu lis une chronique et ils disent "et tiens encore un groupe de Bordeaux !" PV : Oui, il y a beaucoup d'émergence, mais moi je parle de la créativité, d'un truc étonnant... Et je pense que ça a tendance à se déplacer vers d'autres villes... Il y a eu la veine "nouvelle chanson française" avec Dominique A, et puis ça c'est déplacé à Bordeaux avec Dèche dans Face, Belly Button, puis... Petit Vodo et puis maintenant ça a tendance à partir un peu ailleurs notamment sur Paris. E&M : Il y a aussi Kourgane... PV
: Oui, eux ils sont de Pau, ce sont des gens qui sont proches de Peter
Plane, de tous ces gens-là... Ils tiennent d'ailleurs une asso sur Pau.
E&M : Penses-tu qu'il y ait encore beaucoup de chemins à explorer dans la musique, ou qu'au contraire tout reste figé et tourne en rond ? PV : (silence) De toute façon ce n'est pas une course, ce n'est pas important de savoir qui trouvera le premier. Ce qui est important c'est de faire les choses - que ce soit dans n'importe quel style de musique - en harmonie, de ne pas se mentir à soi-même. Ça c'est un truc auquel je fais attention, quand je vois que je suis un peu limite ou facile, je fais un break. Donc ça importe peu... Par exemple Jérôme de Dèche dans Face a monté Dècheman et maintenant il est en tournée avec Miossec, mais il reste à sa manière toujours le même fuckin' rock'n'roll lo-fi man. Mais pour ma part, ça n'exclut pas que je puisse me remettre à jouer avec d'autres musiciens.
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