Interview de Petit Vodo
pour Eggs & Mayon"noise" #5
hiver 2000

"Petit Vodo ? je n'ai jamais rien entendu de pareil !" Ludvig Van Beethoven

Passé musical
Eggs & Moyon"noise" : Commençons par parler de ton passé musical.

Petit Vodo : Ben c'est un peu aussi mon présent puisque tout est lié. J'ai commencé la musique assez tôt. j'ai 30 ans. J'ai commencé comme batteur. J'avais la chance d'avoir un père qui jouait de la guitare et qui ma poussé vers la musique dès l'âge de 6 ans. J'étais très mauvais, comme encore, à la guitare (rire), j'avais laissé tomber. Et je me suis mis à la batterie et là j'ai commencé assez tôt, j'avais 7 ou 8 ans, et puis c'était un loisir qui est devenu une passion. Le professeur de batterie qui me donnait des cours de percussion et de batterie pendant 6 ou 7 ans, est malheureusement tombé malade, et au moment où il jouait dans un orchestre de jazz et de classique, ils avaient un double répertoire, il y avait 40 cuivres... et moi j'avais quelques dates avec eux comme percussionniste, j'avais 13 ou 14 ans, et là il tombe malade au moment où ils partaient faire 15 dates en Forêt Noire. Donc je suis parti avec eux. On avait un répertoire des standards de Joe Kinkton, des choses comme ça et de l'autre côté on jouait des standards du classique comme le Boléro de Ravel qui sont très très complexes en percussion. Et quand je suis revenu de cette expérience, ma vie avait changé, j'avais 14 ans et j'avais vécu ce que ça faisait de jouer sur scène, de faire une mini-tournée en Forêt Noire, même si ce n'était pas un orchestre professionnel, la plupart étaient des amateurs qui prenaient leur vacances à cette période là de l'année pour partir en tournée. A partir de ce moment-là, j'ai commencé à avoir des groupes. C'est donc passé par le rock'n'roll, le blues, la pop. J'avais d'abord commencé par le jazz, mais c'était surtout rock'n'roll pop, c'était la grande période, Cure, Joy Division... J'étais branché là dessus, j'avais le look et tout ce qui suivait (rire). J'avais laissé tomber le jazz... Un jour j'ai rencontré une formation de pop, et j'ai joué avec eux puis on a fait un disque. Ça a été ma première expérience de studio, j'avais 17 ans, c'était au Chalet. Le disque je ne le revendique pas, c'était nul... Mais je l'assume quand même... c'était un auto-produit. Et ensuite je suis devenu étudiant, et j'ai commencé à me remettre au jazz, et justement j'avais un trio à Angoulême, à Macampagne. J'étais avec 3 étudiants des Beaux-arts, il y avait les frères Mignoneaux (NDR: je ne garanti pas l'orthographe) et le 3ème qui fait maintenant une carrière en solo, qui s'appelle Dut, un contrebassiste extraordinaire. Avec les frères Mignoneaux on avait un trio de jazz, assez expérimental, très 70's, et j'ai donc joué avec eux pendant 2 ans. A part quelques démos on n'a rien sorti. je n'ai toujours été que batteur. D'ailleurs entre temps, j'ai fait l'école Dante Agostini à Bordeaux. J'ai fait 7 ans de méthode Agostini, je suis donc sorti avec un pas trop mauvais niveau, j'ai quand même beaucoup perdu depuis, mais...

E&M : Il parait que c'est très figé comme école de batterie...

PV : Ben, ouais mais en même temps ça m'aide bien maintenant pour par exemple les rédactions avec la SACEM, ou les choses comme ça. Je fais écrire la musique par un pianiste du conservatoire et moi j'écris toutes les parties percussion etc. Et c'est grâce à ces années d'écoles... C'est vrai que c'était un peu figé mais c'est une très bonne école quand même.

Ecole de batterie
E&M : T'y es rentré à quel âge ?

PV : J'y suis rentré a 14 ans, et puis j'en suis sorti à la classe avant professionnel. Et j'ai bien essayé à faire percussionniste et batteur essentiellement. D'ailleurs sur le campus, j'animais avec des amis blacks des cours de danses africaines. J'étais très percussion, je jouais des timbales, je faisais un peu d'afro cubain, parce qu'à Dante Agostini on en faisait énormément. Et le trio de jazz m'a amené vers d'autres choses... Et quand je suis parti finir mes études à Paris, j'ai rencontré des musiciens et on a eu envie de faire un petit retour au rock'n'roll blues. On avait un groupe qui appelait Crocodile Walk. Et puis là je suis revenu à mes premiers amours quand j'avais 10-11 ans, c'était le rock'n'roll, mon père m'a élevé là-dedans. On écoutait Led Zepelin, les Kinks, les Animals, les Rolling Stones, etc. Et je suis revenu à ça. Le guitariste est parti vivre à L.A. et on s'est retrouvé sans guitariste, c'est à ce moment-là qu'on a fait la rencontre d'un gars extraordinaire qui est toujours mon meilleur ami (avec qui j'étais encore hier soir) et ça c'était il y a 10 ans. Justement ce gars qui s'appelle Eric Bling produit certains de mes titres. Et l'avantage c'est qu'il a amené dans la formation de l'époque qui était un peu figée rock'n'roll blues, toute sa connaissance du blues avant-guerre, 1920 à 1940, avec une collection de disques extraordinaire. Et ça a transformé totalement ma vie et j'ai eu envie d'apprendre toute 1'histoire de la slide guitare, des pickings et toutes cette culture qui vit encore au Mississippi grâce à un label qui appelle Fat Possum Record qui produit des groupes comme RL Burnside, 20 Miles... Et donc ce gars-là m'a donné en quelque sorte la culture qui me manquait, et le groupe c'est transformé de The Crocodile Walk en TC Walk (contraction de The Crocodile Walk). Là ça a commencé à être plus professionnel, on a sorti un premier album, en hommage au classique des années 1925. Et puis on a commencé à tourner pas mal, j'étais vraiment dedans, dans le milieu, c'était il y a 6 ans. Et quand le groupe c'est séparé, il y a 2 ou 3 ans, je n'ai pas trop supporté. Enfin, j'ai supporté la séparation parce que c'était devenu pénible pour une autre raison, on était beaucoup, on était 5 plus 1 technicienne... (silence) Puis ma copine est tombé enceinte et j'ai eu envie de rester avec elle pendant tout le temps de sa grossesse. Pendant ce temps-là, j'ai eu ma propre grossesse avec un petit multipistes. J'ai commencé à composer seul, avec le peu de rudiments de guitares que m'avait appris Eric Bling pendant le temps de TC Walk. C'est à cette époque-là que j'ai commencé à acheter énormément de disques : Morphine, Jon Spencer, et également Beck les tous premiers albums, qui m'ont énormément marqués en particulier "One Foot In The Grave" qui est un album mythique pour moi... Un album avec choses bricolées chez lui, assez garage, qui a une identité très forte. J'ai commencé à faire la même chose en revisitant à la fois du blues mais aussi des gens que j'aimais énormément comme Iggy Pop, Lou Reed. Je revisitais leurs morceaux, je les transformais, j'avais une version complètement furieuse de "Walking On The Wild Side" que je faisais au début de mes concerts de Petit Vodo, il y a 2 ou 3 ans. Puis j'ai fait mes maquettes. Ce n'était pas du tout destiné a remonter sur scène. J'avais pris d'autres musiciens pour jouer mes morceaux, j'avais pris un batteur et un contre-bassiste et moi je jouais de la guitare, je chantais, et je bricolais quelques machines à côté. Mais cette formule s'avérait assez complexe pour moi, c'étaient deux personnes qui étaient de bons musiciens mais qui venaient d'un autre milieu. Et on ne se comprenait pas toujours sur le truc. Par exemple Beck ou Soul Coughing, eux n'en voyaient que le côté générique, et ils n'en comprenaient pas la substance musicale. Il n'y avait qu'une seule personne avec qui j'aurais pu faire ça, c'était Eric Bling qui lui était très là-dedans. On a donc composé ensemble, et j'ai fait mes premières maquettes. Ensuite j'ai eu la chance qu'une de mes démos soit tombée dans les mains de Noir Désir, de Didier Estel, le directeur du Krakatoa, qui était l'ancien manager des Noir Désir. Et puis pour le fun, parce que ça ressemblait à une performance, car je suis aussi dans le milieu des arts plastiques, je suis peintre, sous une forme de performance un peu en hommage au Velvet Underground et ces choses-là, j'ai accepté une première partie, sur la scène du Krakatoa, c'était avec Joseph Arthur, un gars qui est sur le label de Peter Gabriel, et puis contre toute attente ça a été... Je ne vais pas dire un succès mais ça a été très remarqué, et la presse à Bordeaux à tout de suite tilté. Donc je ne pouvais pas faire marche arrière. J'ai donc continué à travailler et c'est comme ça que les Noir Désir m'ont emmené avec eux sur "Un jour à Bordeaux " Après j'ai sorti la compilation avec eux, et puis ensuite j'ai commencé à tourner, les gens de la Fédurock se sont intéressés à moi, ce qui m'a permis de tourner avec Urban Dance Squad. Puis tout de suite, je suis parti de Bordeaux pour aller voir d'autres villes. Puis les Noir Désirs m'ont mis leur studio à disposition (La Grosse Rose). J'ai enregistré, j'ai rencontré Philippe Couderc d'Abus Dangereux, après il y a un label anglais qui s'est intéressé à moi, et donc voilà comment les choses se sont passées. Ensuite, le disque est sorti en version longue en Angleterre. Maintenant il y a un nouvel album prévu pour ce février qui sera enregistré cet automne, et il y a également un single sur un label australien qui sortira.

En 3 jours et 2 nuits
E&M : Où vas-tu l'enregistrer ?

PV : La plupart des enregistrements bandes, je vais les faire à la Grosse Rose. Il y aura sûrement une partie du mix et du mastering qui se fera à Londres car l'album est co-produit par Vicious Circle et Butcher's Wig à Londres qui est mon label anglais.

E&M : Peux tu me parler du studio, la façon dont tu enregistres...

PV : Disons que j'ai tendance à penser qu'il faut profiter de tout ce qu'il y a sur le moment, que ce soit une scène, un public ou un studio. Le maxi par exemple a été enregistré en 3 jours et 2 nuits, 14 titres. En fait, j'ai fait un gros live qui à duré 24 heures (sur plusieurs fois) et ensuite on a défriché tout ça, et j'ai rajouté une deuxième voix de temps en temps, des effets, une basse sur certains passages, quelques samples en boucle très simples pour que je puisse le refaire sur scène. Mais l'énergie du maxi à été faite live. C'est un live remixé en fait. Mais pour le nouvel album je vais travailler un peu différemment, j'ai plusieurs étapes... Enfin j'en parlerai quand ce sera fini.

E&M : Tu vas jouer des morceaux qui figureront sur le prochain album ce soir ?

PV : Il y en a deux qui risquent d'être sur le disque. Mais la plupart des choses que j'ai écrites ou qui sont en cours d'écriture ne seront pas jouées ce soir.

E&M : Pourquoi ?

PV : Parce que le passage en studio, stabilise le morceau, le concrétise... Le studio m'a permis de caler les choses, et de faire en sorte qu'il y ait moins de part à l'improvisation, mais plus à l'organisation, de façon à ce que le public qui connaît mes disques puisse reconnaître le morceau, et pour qu'il se sente à l'aise même si ce n'est pas mon objectif (rire). Donc à part un ou deux titres, je suis sûr que je les jouerais différemment après être passé en studio.

E&M : Il y a une part d'improvisation en studio ?

PV : Oui, et cette improvisation devient ensuite le schéma du morceau.

E&M : Ton morceau est déjà prêt avant le studio ou tu arrives sans rien avoir ?

PV : Oui, j'ai déjà la trame. Jj'ai un texte. Je sais comment je vais faire... J'ai quelques fois des bandes sur DAT, que je mets en boucle. Beaucoup de choses sont construites en studio, tout se passe là. Pour le maxi j'avais 3 jours et deux nuits pour enregistrer et pour l'album j'aurai 15 jours et 15 nuits pour enregistrer. Donc j'ose espérer que je vais enregistrer pas mal.

E&M : Tu dois être crevé après ça ?

PV : Oui mais à la Grosse Rose, c'est une maison où il y a une cuisine, des chambres, un jardin, barbecue... C'est assez cool. j'ai même l'intention d'enregistrer un titre dehors pour entendre le bruit des poules et de tout ce qu'il y a autour.

Passé à la moulinette
E&M : Pour revenir à ton passé musical, je trouve assez étrange qu'avec l'éducation musicale assez "conservatoire" que tu as eue, qu'il y ait un changement aussi radical, car je trouve que ce que tu fais en revisitant le blues et le rock'n'roll... est assez opposé à ce que tu faisais avant...

PV : Hé bien, parce que pour moi je pense qu'une musique est vivante à partir du moment où elle n'est pas figée. C'est à dire que ça ne m'intéresse absolument pas d'être un interprète de pensifs musicaux. Ce qui m'intéresse c'est la recherche musicale. Donc je prends un genre et je le transforme à ma manière - après les gens aiment ou pas - et je le pousse ailleurs, dans un truc où, peu ou personne, n'est allé encore... Ça me gonflerait de jouer un standard de blues tel que tout le monde le connaît. Ce n'est pas quelque chose qui m'intéresse. Il y a des groupes qui me plaisent, mais moi j'ai une autre attitude, j'ai envie d'essayer autre chose. Et puis déjà, par la forme même de mon spectacle, le fait que je sois tout seul, je suis obligé d'inventer une autre technique, sinon je pourrais avoir un séquenceur, avec plein de parties enregistrées, et puis j'aurais juste à chanter… Mais ça ressemblerait à de l'animation, donc je n'ai pas envie de ça. J'ai envie de bricoler, de prendre un genre et de le faire passer à la moulinette, en sortir une substance, et garder juste "ça": et ce "ça" qui sort, l'interpréter d'une manière déjantée, décalée... C'est ce qui m'intéresse. Et à chaque fois que mon spectacle ou mes morceaux ressemblent à des pensifs, d'un seul coup j'explore un nouveau genre. J'ai même lu récemment une chronique d'un groupe dans un magazine qui disait "truc genre Petit Vodo". Ça me fait plaisir mais je me méfie des choses figées, je n'ai pas envie de ça, je veux comme pour le maxi que cet album surprenne. Je veux qu'il y ait plein de surprises, et mon spectacle est conçu pareil, un jour je peux me mettre à passer à la moulinette les Who en cassant tout le matériel comme l'autre jour en Espagne (rires)

E&M : Les organisateurs devaient être contents…

PV : Ho oui, ils étaient très contents.

A moi les petites anglaises
E&M : A ton avis comment le public perçoit ta musique. Parce que tout à l'heure aux balances les mecs disaient: "ouais regarde il fait ça tout seul, c'est génial !" et ils étaient surtout impressionnés par ça. Et peut être qu'en te voyant sur scène on peut en oublier la dimension musicale.

PV : C'est très intelligent comme question... Ça a été ma problématique, surtout ma première année de concerts jusqu'à la sortie du maxi, les gens avaient tendance à ne retenir que l'aspect spectaculaire, scénique de la chose. Et avec le disque les gens ont vraiment découvert la musique. Je crois que maintenant c'est partagé, il y a deux types de public qui aiment mon travail. Il y a celui qui connaît l'album et qui va y retrouver quelque chose, et il y a celui qui ne va retenir que le côté spectaculaire qui est quand même une partie de mon travail que je ne peux pas exclure. Mais par exemple là où ça a été très riche pour moi c'était en Angleterre où j'ai sorti un single sans ne jamais avoir tourné là bas. Quand j'étais en tournée en France avec Penthouse, ils avaient ramenés mes bandes à Londres et le label a tout de suite craqué. Ils ont sorti un single qui s'est vendu comme des petits pains là-bas à Londres, ils m'ont fait venir et le concert était plein à craquer, c'était vraiment très chouette pour moi. Et les gens aimaient, Ie Melody Maker, NME tout ça, avaient écrit sur ma musique. Ça a été important pour moi. Les gens ne m'avaient jamais vu même pas en vidéo ni rien, et ils critiquaient, et parlaient de ma musique, en bien... Et donc avec en plus le spectacle, ça a fini de les asseoir si je puis dire (rires). Je suis donc retourné deux mois après, faire une tournée là-bas. Sur toutes les dates, ça a été les mêmes remarques parce que les gens connaissaient l'album. Parce qu'en fait en Angleterre les labels anglais sortent souvent un single d'abord et ensuite l'album. Un mois après la sortie du single, ils ont sorti l'album alors que cela aurait pu prendre 6 mois. A Londres, j'ai rencontré des gens formidables qui vont sûrement masteriser ou remixer un de mes titres sur le prochain album. J'ai rencontré par exemple les gens d'Atari Teenage Riot. Normalement Alec Empire devrait remixer un de mes titres s'il en trouve un de bien sur le nouvel album pour la version anglaise. J'ai rencontré des DJ londoniens avec lesquels j'avais joué en France, des gens qui tournent autour de Fat Boy Slim... A Londres, j'ai tout de suite joué dans de chouettes lieux comme The Garage. J'ai rencontré des gens comme les Queers. J'étais sous licence et sous contrat d'artistes avec Vicious Circle, donc mon nouvel album devait sortir sur Vicious, mais comme je voulais absolument travailler avec les anglais, comme ils ont le territoire australien, américain et anglais, et que ça marche bien pour moi là bas, j'ai réussi à faire le deal de la coproduction de l'album qui sortira en même temps en France et en Angleterre...

E&M : Qu'est-ce qui t'influence qui ne soit pas forcément musical ?

PV : Enormément de choses, la sculpture et la peinture, et aussi le cinéma sont du domaine des arts plastiques. Je suis agrégé d'arts plastiques. J'étais encore l'an dernier enseignant à l'université de Bordeaux, et tout ce domaine-là, que ce soit la danse, la peinture... la création sous toutes ses formes, toute cette richesse là m'inspire beaucoup. La littérature également, certains jeunes auteurs américains, par exemple là j'ai découvert une collection... (il fouille dans son sac et sort un roman de Tony Hilerman). Ces gens écrivent des polars modernes qui se passent dans des réserves américaines... Ce sont des romanciers qui - comme j'essaie de le faire dans ma musique - bricolent avec le passé et le présent. C'est vraiment ce que j'aime dans tous les domaines, cette synthèse qui peut être faite entre la technologie et la pensée moderne, c'est à dire on est plus il y a 20 ou 30 ans... Donc j'utilise quand même un sampler, mais mon sampler ressemble plus à un jouet qu'à un vrai sampler, mais j'utilise ça avec en même temps des textes du passé, et tout ça pensé dans une dynamique moderne... C'est ce que j'aime retrouver dans la littérature, la sculpture, le théâtre, la danse, dans les scénographies de Robert Wilson, qui sont pour moi des gens qui sont en phase avec leur époque... A ce sujet je travaille assez régulièrement avec des scénographes qui font du théâtre ou des films, dernièrement j'ai composé la bande son d'une installation super 8 qui tourne en ce moment en France dans des galeries d'art contemporain. J'ai aussi écrit la bande son d'un film qu'un jeune cinéaste scénographe m'a demandé de sonoriser. Et normalement vers fin novembre, début décembre je devrais jouer en direct quand ce spectacle viendra à Bordeaux. C'est vraiment des choses comme ça qui m'intéressent.

Bordeaux
E&M : Que penses-tu de ce qui se passe à Bordeaux ?

PV : Je connais bien le milieu musical à Bordeaux car j'y traîne depuis des années. Je connais beaucoup de gens là-bas. Je connais bien les Dèche Dans Face. D'ailleurs je vois toujours Jérôme. Je connais les Belly, les Hurlements, etc. Mais à part ça je n'ai pas grand chose à dire sur Bordeaux et ce qui s'y passe... Il y a 3 ou 4 ans il s'est passé une chose assez formidable à Bordeaux qui m'a permis d'arriver. Il y a eu une vrai effervescence de création avec Dèche Dans Face, avec Belly Button et je suis arrivé à ce moment là, le hasard faisant bien les choses… Il y avait un certain regard de la part des autres villes de France sur Bordeaux, sur ce qui naissait, et ça m'a permis d'avoir une ouverture d'esprit vers d'autres choses... C'est vrai je me souviens au confort Moderne (à Poitiers), je faisais les balances et le régisseur vient me voir et me dit : "ils sont tous comme toi à Bordeaux ?". Mais je trouve que ça a un peu disparu, on est revenu un peu dans le creux, moi-même je ne vis plus à Bordeaux depuis quelques jours, je me suis installé dans les Landes, mais je travaille toujours à Bordeaux, Petit Vodo est toujours de Bordeaux. Sinon le seul avis que je peux donner c'est qu'il y a moins de créativité musicale, mais que paradoxalement il y a plus de groupes à Bordeaux.

E&M : Pourtant dans les fanzines encore maintenant Bordeaux est très cité... par exemple tu lis une chronique et ils disent "et tiens encore un groupe de Bordeaux !"

PV : Oui, il y a beaucoup d'émergence, mais moi je parle de la créativité, d'un truc étonnant... Et je pense que ça a tendance à se déplacer vers d'autres villes... Il y a eu la veine "nouvelle chanson française" avec Dominique A, et puis ça c'est déplacé à Bordeaux avec Dèche dans Face, Belly Button, puis... Petit Vodo et puis maintenant ça a tendance à partir un peu ailleurs notamment sur Paris.

E&M : Il y a aussi Kourgane...

PV : Oui, eux ils sont de Pau, ce sont des gens qui sont proches de Peter Plane, de tous ces gens-là... Ils tiennent d'ailleurs une asso sur Pau.

E&M : Penses-tu qu'il y ait encore beaucoup de chemins à explorer dans la musique, ou qu'au contraire tout reste figé et tourne en rond ?

PV : (silence) De toute façon ce n'est pas une course, ce n'est pas important de savoir qui trouvera le premier. Ce qui est important c'est de faire les choses - que ce soit dans n'importe quel style de musique - en harmonie, de ne pas se mentir à soi-même. Ça c'est un truc auquel je fais attention, quand je vois que je suis un peu limite ou facile, je fais un break. Donc ça importe peu... Par exemple Jérôme de Dèche dans Face a monté Dècheman et maintenant il est en tournée avec Miossec, mais il reste à sa manière toujours le même fuckin' rock'n'roll lo-fi man. Mais pour ma part, ça n'exclut pas que je puisse me remettre à jouer avec d'autres musiciens.