Interview de Petit Vodo
pour Devor-Rock
janvier 2001

"Oh oui fait moi mal Petit Vodo !" Betty Page

Une histoire de copains
Devor Rock : Avant Petit Vodo, y avait-il quelque chose ?

Petit Vodo : C'est une longue histoire. Tu peux lire toute l'aventure sur l'interview d'Egg & Mayon'noise dispo sur le site du fan club... Ce que je peux dire, c'est que je n'en suis pas arrivé là par hasard. Batteur pendant de longues années au sein de formations de rock, jazz et blues, j'ai croisé différentes attitudes artistiques qui m'ont amenées à penser que tout n'avait pas encore été dit dans le rock'n roll et que modestement mon travail pouvait offrir un point de vue original.

DR : Quand on parle de Petit Vodo, on ne parle que de toi vu que tu es seul sur scène mais je pense qu'il y a d'autres personnes qui sont aussi très importantes. Peut-on parler de projet ?

PV : C'est normal qu'on ne parle que de moi puisque je suis Petit Vodo. C'est mon nom, du moins celui que je me suis choisi, faute d'héritage familial sinon contreversé par toute la misère politique du milieu du 20ème siècle. Par ailleurs c'est vrai que le projet scénique n'existerai pas sans l'aide et le soutien technique et logistique de personnes chères autour de moi. L'Equipe Petit Vodo s'agrandit au fur et à mesure du temps. Des régisseurs sons et lumières à ceux du plateau, la troupe est primordiale à mes yeux. Elle tisse des liens constructifs entre ma vie sociale, ma création et le spectacle. Sinon je dois parler du monde souterrain qui évolue autour de moi, en amont et en aval de mes réalisations. Deux personnes sont au cour de tout. Eric Bling (qui produit certains de mes titres et toujours avec moi derrière les manettes en studio) et Laurent Domenech, alias Gromeneu (qui s'occupe de mon image, de mes affiches, de mes pochettes et qui est le meilleur bassiste que je connaisse, quelque part entre PJ Harvey et Tom Waits ayant rencontré de plein fouet Joy Division et Morphine !). Ce sont mes meilleurs amis, je leur doit énormément mais je leur rend bien.

DR : D'où te vient ce goût pour ce style de musique ?

PV : Peut-on définir les termes "style de musique" ? Il s'agit plutôt d'une attitude, d'un langage traduisant mon amour pour les arts sincères et intenses comme le blues avant guerre, le bebop ou le jazz feutré d'un Chet Baker, la loving dance de la Motown, le rock 'n roll d'un Eddy Cochran ou Gene Vincent ou enfin le punk des Stooges. Mon esprit est plein de cet héritage, mes pores suintent de cette allégresse de bonheur vinyle et mon corps le fait ressurgir avec les moyens que je dispose.

Des sons bizarres ?
DR : Beaucoup de sons bizarres dans les morceaux. D'où viennent tous ces sons ?

PV : Je me ballade dans toute l'Europe avec un dictaphone et enregistre tous les micro-évènements dont je suis le témoin. Un dialogue dans un taxi à Lausanne, le cri d'une mère affolée dans un carrefour à Londres, une onde radio qui passe etc...

DR : Et pourquoi cette multitude de petits sons souvent biscornus ? C'est un besoin pour enrichir un morceau ?

PV : Je m'amuse à les mixer dans mes titres car ils sont les traces d'un journal audio bordélique et me permettent de ne pas construire sur une page blanche.

DR : Et comment fait-on quand on est un homme seul sur scène pour reproduire tout ça sur scène ?

PV : Je n'essai pas de "re-produire" sur scène car chaque scène est pour moi un lieu vierge. Techniquement, j'utilise quelques ondes radios mixées en direct et un sampleur échantillonant quelques matières ou lignes musicales que j'ai réalisé en studio ou chez moi.

DR : J'ai l'impression que ton style de musique sur scène demande une dépense d'énergie importante.

PV : C'est certain. A 20 ans je pesais 140 kg. Douze ans plus tard je ne dépasse pas les 55 Kg les bras levés ! Est-ce pour autant une bonne thérapie ?

A lonesome cowboy
DR : Tu n'as jamais eu envie d'avoir une personne avec toi sur scène ?

PV : Batteur, j'étais toujours en groupe et j'ai vécu bien des moments heureux de scène partagée. J'ai envie d'un batteur, d'un DJ, d'un bassiste et d'un guitariste, de choristes (en jupes svp) d'un Brass Big Band, d'un philarmonique, de John Whilliams et son London Orchestra. Me verra t'on encore ?

DR : Et quand un problème technique survient, on ne sent pas trop seul ?

PV : Non car j'ai un régisseur plateau toujours avec moi. Il est mon alter égo technique, il s'appelle Eric Dubroca. Il connaît tout mon spectacle et s'attend souvent au pire. I l est rodé et a toujours les bonnes solutions.

DR : J'ai l'impression que tu tournes plus à l'extérieur de la France qu'en France. C'est une obligation pour survivre ?

PV : C'est faux. C'est l'image que l'on me prète trop souvent en France. J'ai du faire environ 200 concerts en France et à peine plus de cinquante à l'étranger. Je crois que ma musique ne véhicule pas grand chose en apparence de la culture immédiate française. On me reconnaît plus aisément dans les territoires anglo-saxons bien que je fus agréablement surpris de l'accueil que l'on me réserva en Belgique et en Espagne.

Cercle vicieux
DR : Comment s'est passé la rencontre avec Vicious Circle ?

PV : Originaire de Bordeaux, Vicious était très présent dans le Sud Ouest de la France. Il défendait une certaine idée de l'indépendant qui me plaisait à l'époque. J'étais amoureux des concerts et des disques de Dèche-Dans-Face. Le reste du catalogue me plaisait moins mais Philippe Couderc était un type formidable, une espèce de Petit Vodo administratif (il fait tout ou presque seul !) et un dénicheur de talent averti. Je le remercie de m'avoir cuité au pastis une belle journée de Juin 1998 (le jour où j'ai signé officieusement) et de m'avoir offert le resto universitaire pour la signature de mon second album.

DR : Et avec les gens de ton label en Angleterre ?

PV : Pour Butcher's Wig, c'est une belle histoire. Fin 1997 en Bretagne j'ai joué avec Penthouse, combo londonien d'enragés de rock'n roll. Notre rencontre s'est transformée rapidement en amitié sincère. Ils sont rentrés en Angleterre les valises pleines de mes K7 démos. Leur première maison de disque m'a joint par la suite.

DR : Quand on tourne à l'étranger comme, par exemple ta tournée anglaise, on se dit que ce n'est finalement pas si mal chez soi ou que cela valait la peine d'être vécu tant au niveau des conditions que pour les ambiances ou les expériences ?

PV : Je ne crois pas. La vie est une aventure et le confort est souvent une illusion. Je connais des groupes français que je ne citerai pas qui ne tiendrai pas un quart d'heure outre Manche tant par la performance que par la qualité. Le moindre petit groupe anglais qui se produit dans les clubs upstairs downstairs au fin fond de Manchester ou de Nottingham est souvent 100 fois meilleur à tous points de vue qu'un groupe français reconnu ici-bas. Cela vient du fait de la capacité historique (dois-je citer les Beatles ?) d'adaptation des musiciens anglais, habitué à transpirer sang et eau sur scène pour quedal. Mes tournées anglaises m'ont fait grandir.

De grands bonhommes
DR : RL Burnside que tu reprends est une référence musicale pour toi comme éventuellement d'autres artistes du label Fat Possum ?

PV : Des grands bonhommes ! RL Burnside certes mais surtout T-Model Ford ou Twenty Miles (le groupe des frères Bauher), Bob Log III ou les Country Teasers. Des gens avec qui j'ai eu la modeste chance de vivre un temps sur scène et sur les routes d'Europe. Le label Fat Possum est un des plus courageux des Etats-Unis.

DR : Comment se crée un morceau ? Tu pars de quoi ? L'idée des petits ajouts musicaux était déjà présente à ce moment-là ?

PV : A chaque album, la créa s'est faites d'une manière différente. Le point commun entre tous mes morceaux est qu'ils sont tous nés de maquettes très minimales effectuées secrètement at home avec les moyens du bord. Pour certaines chansons j'avais envie d'une énergie et je suis parti d'un rythme (c'est souvent le cas) comme pour Big Like That ou Special Secator. D'autres titres raconte une histoire ou expriment une sensation vécue pendant mes nombreux périples (Spam Cow, London Crawl). En ce moment j'écris les titres de mon prochain album qui se veut plus dansant et en même temps plus intimiste. J'utilise pour la première fois un piano. L'étape suivante est le studio, je ramène tous mes brouillons sur bandes ou CDR, mon journal sonore et je met un peu d'ordre dans l'ensemble. Alors surgit toute la mesure de plusieurs mois de cuisson.

DR : Le remerciement le plus bizarre au niveau musical, c'est Noir Désir à part peut-être le fait qu'ils soient aussi de Bordeaux...

PV : Noir Désir est un des premiers groupe en France à avoir flashé sur mes K7 démo. Ils m'ont contacté un soir de printemps 1997 pour que je les accompagne sur une big opération qui s'est tenu à Bordeaux pour la fin du 666.667 Club Tour. Par la suite ils m'ont ouvert les portes de leur propre studio. Je leur doit beaucoup même s'ils se défendraient de n'avoir pas fait grand chose ( à part me programmer en première partie de Simple Minds à Bagnols dans le midi de la France mais je m'étalerai pas sur le sujet).

DR : En dehors de la musique, qu'elles sont tes influences ? le cinéma ? la littérature ou d'autres choses ?

PV : J'ai fait des études d'art. Je suis agrégé d'arts plastiques et à un moment de ma vie ma peinture comptait plus que tout. Je suis un lecteur de Rainer Maria Rilke et en règle général amoureux de l'Expressionisme allemand au cinéma ( Murnau par exemple ). Je porte une affection au Pop Art et aux langages Dadaistes, au Barhaus et à Picasso. Je me délecte de tous les Fellini, de Jim Jarmush et de Clint Eastwood. J'ai eu l'occasion à San Sébastian en Espagne de diner à la même table que Kyle Eastwood, le fils du père (!) saxo de son état de jazz, et pour moi ce fut comme être en présence de la Vérité.

Lord have mercy of me
DR : Ton rêve pour ta propre musique, c'est quoi ? Un gros budget (oui mais pour travailler, quelle partie de la musique : le son, expérimenter) ?

PV : Un gros budget certes ne me déplairait pas car cela me changerait. Dans ma vie de tous les jours je ne serais plus obligé de courir pour combler les trous financiers qu'engendre mon activité artistique. Je n'ai pas besoin d'énormément d'argent en ce qui concerne ma musique. Je pourrais m'acheter une nouvelle guitare et une grosse caisse vintage Rogers 1950'. L'argent j'en ai surtout besoin pour réaliser totalement le spectacle dont je rève avec des projections en fond et une équipe décemment rémunérée. Il est vrai que l'équipement de mon petit local de travail ne serait pas du luxe. Les anges aux poches pleines commencent à entendre mon cri, mes appels. Lord have mercy of me.

DR : Un artiste particulier avec qui tu aurais envie de travailler ?

PV : J'aimerai travailler avec des producteurs comme Jim Waters ou Steve Albini ou encore Beck Hanson. Je suis très jaloux de Mirwaïs qui a produit le dernier Madonna car j'aurai voulu écrire son "Music". Des musiciens, oh que oui ! Judah Bauher, Henri Salvador, Mathieu Chédid alias M, André Williams avec qui j'ai partagé tant de fois la scène (à condition qu'il oublie un peu mon arrière train).

DR : Ne faut-il pas certaines fois beaucoup de courage pour pratiquer une musique comme la tienne quand on sait qu'elle restera sûrement à jamais underground car hors des standards ?

PV : Les standards, c'est comme les mots " moyen " ou " milieu ", c'est du flou. La culture se construit sur bien d'autres mots et le " courage " en fait sûrement parti.

DR : On t'a vu en septembre au Botanique à Bruxelles mais depuis lors que s'est-il passé ? des tournées ? des enregistrements ?

PV : Je suis reparti en Angleterre pour défendre mon dernier single "Mister 69" puis j'ai tourné en France avec le groupe Dyonisos jusqu'à fin Novembre. En décembre je fus l'invité de festivals en région parisienne et dans l'Est.

DR : Et l'avenir, à quoi doit-on s'attendre ?

PV : A un nouvel album, une nouvelle maison de disque, des nouveaux tîtres et un tout nouveau spectacle plein de surprises. C'est pour la fin 2001. D'ici là, on pourra me voir avec les Little Rabbits et Mickey 3D en France, avec Eric Triton (un artiste noir) sur l'Ile de La Réunion, à Londres pour une soirée organisée par un célèbre magazine de mode, peut-être en Australie pour la sortie imminente de mes albums au pays des Kangourous et enfin sur la scène du Batofar à Paris pour une opération spéciale Petit Vodo où je présenterai pour la première fois de ma vie mon travail de peintre et de cinéaste amateur en même temps que mon spectacle. C'est un scoop et cela se passera en mars sur invit' principalement (limitées à 400 !). Plus près de la Belgique, je serais en concert à Bruxelles le 1er Mai 2001.