Rencontre de Petit Vodo backstage
concert Petit Vodo/Les Wampas
Avignon le 13 mars 2004


En première partie des Wampas le 13 mars 2004 à Avignon, Petit Vodo a tout donné pendant la cinquantaines de minutes qui lui étaient allouées. Un concert qui en a bluffé plus d'un. Set où le One-Man-Band-Circus a montré toute l'étendue de son talent avec une excellente maîtrise de ses instruments, de ses nouveaux morceaux et de la scène. A gauche, une chaise, une grosse caisse pour les titres joués à la basse et à la guitare folk, au centre, un micro avec les accessoires trompette et bouilloire, et à droite, le gros merdier habituel : batterie, guitares, harmonica, sampler… A lui tout seul, Petit Vodo occupe toute la scène.

Comme souvent en matière de concert, un imprévu donne toute la dimension à la prestation : alors qu'il s'apprêtait à jouer un titre phare de son nouvel album ('Big Star'), voilà que le sampler déconne une première fois, Vodo s'excuse auprès du public. Il reprend le morceau à zéro et au bout d'une minute re-cafouillage du sampler… "fais chier la technique, je vais vous le faire autrement !" Petit Vodo se lâche, guitare folk et grosse caisse, sur un rythme endiablé, il met le feu à la scène ! Cette tension sera maintenue jusqu'au dernier morceau... où Petit Vodo, va nous livrer là un 'Try To Fly' d'anthologie : un véritable feu d'artifice qui prend d'hystérie le public. Un magnifique bouquet final qui provoque un pogo déchaîné !! Vodo quitte la scène sous les applaudissements et les regards médusés. Inconnu il y a une heure, il a su convaincre et emporté l'adhésion de ceux qui sont venus voir les Wampas… Pas de rappel, c'est ingrat les premières parties, mais Petit Vodo a désormais l'habitude du challenge qu'elles imposent.

Pendant que Sébastien assure le marchandising, je savoure la prestation des Wampas. Ce soir, ils ont un public en or qui connaît par cœur les paroles de leurs chansons. Ils sont vraiment 'les inventeurs du Rock'n'Roll ! et Didier Wampas le Roi' (ceux qui ne les ont jamais vu sur scène ne peuvent pas comprendre…). Plus tard, je vais retrouver Sébastien dans les loges (souriant, il a écoulé pas mal d'exemplaires du nouvel album) afin de recueillir les propos qui suivent :

Peux-tu m’expliquer le titre de ton nouvel album "A Little Big Pig With A Pink Lonely Heart" Que signifie t-il ? Comment l’as-tu choisi ?
L’album devait s’appeler "Big Star" au départ. Et puis malheureusement, l'actualité a fait qu'un best of du groupe Big Star est sorti à l’automne et la presse musicale en a pas mal parlé. Il était donc devenu hors de question que j'appelle mon album comme ça. Mais je voulais garder le mot "Big" quelque part dans le titre… "A little Big Pig" est un hommage à "Little Big Man" (film d'Arthur Penn Avec : Dustin Hoffman et Faye Dunaway) et "Pink Lonely Heart" parce que à la fois je suis un petit cochon et j'ai le cœur meurtri et grand ouvert. J'aimais bien cette idée comme chez les Beatles avec leur titre 'Sgt. Pepper's Lonely Heart Club Band'. C'est une belle phrase. Cet album a du texte. J'ai beaucoup écrit pour cet album et en définitif, je trouvais bien que le titre soit long.

Dans "69 Stereovox", tu te sentais chien, tu étais un 'sucker dog' pourquoi aujourd’hui te sens-tu plutôt proche du porc ?
Le porc, c'est pour le fun. Ce n'est pas un gros porc ou un porcelet, c'est plutôt un jeune cochon qui se demande ce qu'il fout dans cette porcherie. C'est un peu par hasard que dans chaque album, il y ait des histoires d'animaux...

Il y a avait également une vache dans '69 Stereovox' (Spam Cow), n'aurais-tu pas des penchants zoophiles ?
Non, non, je ne suis pas zoophile ! Mais je vis à la campagne et peut être qu'inconsciemment ça m'influence. Le porc ça donne un aspect marrant a cet album qui m'a pris beaucoup de temps avec beaucoup de prises de tête. Ca lui donne un côté léger. L'image du cochon peut être déclinée en plein de symboles. C'est ce qui est intéressant et sympa.

Il n' y a pas un côté sexuel ?
Si bien sûr, comme "69 Stereovox", il y a un aspect sexuel, mais c'est plus un cochon qui à un côté sympa qu'on a envie d'avoir chez soi. Cet album est moins sexe au sens gras du terme que "69 Stereovox". Comme je te l'ai déjà dit, c'est pour donner un côté rigolo à l'album. J'ai fait toutes les photos de la promo de l'album dans une porcherie en plein air dans les Landes. J'étais entouré de porcs, c'était une expérience assez bizarre, puis au final je m'y sentais bien. Ca m'a rapproché de cet animal...

4 ans entre ces deux albums n’est-ce pas trop long ?
Ca fait 4 ans entre les deux sorties de disque, mais cet album est prêt depuis septembre… oui c'est trop long, mais en même temps Laurent Voulzy sort un album tout les dix ans, je peux bien en sortir un tous les 4 ans ! Non, le fait est que mon prochain album sortira sûrement dans des délais beaucoup plus courts, j'ai déjà les partenaires pour le faire. Dès la fin de la tournée "A Little Big Pig With A Pink Lonely Heart", j'enclenche l'enregistrement du prochain. Je pense commencer dès la fin de cette année.

Pourquoi as-tu quitté le label Vicious Circle avec lequel tu avais sorti tes précédents opus ?
Je ne les ai pas quittés. Nous n'avions plus les mêmes objectifs. Ce n'est pas comme avec une major, où tu es coincé par tes engagements. Désormais, Vicious Circle a une volonté de s'ouvrir sur des artistes internationaux. Leur politique a changé. Pour moi, l'expérience Vicious Circle s'est très bien passée sur le plan humain, mais sur le plan commercial ça n'a pas été une réussite. C'est dû à des montages commerciaux avec des distributeurs qui n'ont pas mis l'accent sur moi mais sur quelqu'un d'autre… et donc malgré les très bonnes critiques dans la presse en France, l'album n'a pas trouvé son écho.

On t’associe souvent à la scène blues, ce qui n’est pas sans fâcher les puristes, es-tu plutôt un rockeur qui joue du blues ou un bluesman qui joue du rock ?
Ni l'un, ni l'autre. En France, on ne connaît rien en blues. Et globalement c'est la même chose pour le rock'n'roll. La culture blues ou rock'n'roll n'existe pas en France. Il n'y a que des clichés, des images étriquées liées à une époque. Mes voyages à l'étranger, rencontrer des bluesmen, m'a donné une vision élargie du blues. Sans renier mes vinyles 78 tours d'avant seconde guerre mondiale, je crois qu'on peut faire du blues avec une coloration actuelle.

En France, le blues, au même titre que le classique ou le jazz, sont des musiques pour des cercles restreints d’initiés et de puristes. De l’autre côté c’est le succès commercial de masse avec la variétoche de merde que nous pond les maisons de disques via la «Star Ac & cie» et le rock labelisé MTV. Penses-tu que ton style a vraiment un débouché en France ?
Ma musique est une démarche sincère et elle a pour objectif de toucher les gens par ça. J'espère qu'ils seront de plus en plus nombreux à s'intéresser à ma musique. Mais je n'ai aucune prétention pour qu'elle ait des débouchés au sens commercial. Bien sûr si cet album devenait disque d'or ça me ferait plaisir, mais je n'y pense pas. Je laisse les choses venir. Je suis convaincu que les choses arrivent jamais quand on s'y attend. Et puis, sur le plan strictement commercial, vu que je ne chante pas en français, ça limite mes chances de succès sur la bande FM avec les quotas et avec le protectorat en France (l'exception culturelle). L'important c'est que l'artiste joue la musique qu'il aime faire, contrairement à certains qui jouent de la musique commerciale, et de toucher de plus en plus de gens. Le reste on s'en fout. Je n'aime pas les castes, ceux qui n'aiment que le reggae, ceux qui n'aiment que le blues... J'espère que ma musique peux toucher tous types de publics.

En 2001/2002, les majors t’ont approché, pourquoi cela ne s’est pas concrétisé ? Est-ce qu’elles n’ont pas cherché à changer le concept Petit Vodo ?
En effet, ils ont essayé de me formater. A un moment donné, ils m'ont amené à faire des choses, comme une pré-prod, qui n'allaient pas à l'encontre de ce que je faisais, mais qui m'étaient moins naturelles. A un certain moment ça ne pouvait plus marcher, ils voyaient bien que je n'étais pas dans ce trip là.
Deuxième raison, j'ai fait peur à certaines majors. Mes arguments, ma passion, les longues discussions que j'ai eues avec eux, leur ont montré que j'avais un objectif. Que je savais où j'allais et où je voulais aller. D'ailleurs, on m'a rapporté les dires d'un directeur artistique d'une major que je ne citerai pas, qui a dit "Petit Vodo sait ce qu'il veut faire et on arrivera pas à l'amener où on voudrait". Donc, au final, il me restait plus qu'à retourner voir les labels indépendants. No regrets. J'ai signé un bon deal avec Lollipop Records. Ils aiment mon disque, ils vont le défendre. C'est ce qui est important.

A peu près à cette période, ton manager annonçait que tu changeais de nom de scène, ce qui ne s’est pas fait dans la réalité. Pourquoi ?
Et bien c'est dans la continuité de ce que je viens de te dire. C'était la mode des noms courts : M, Miro, Dominique A. Ils ont voulu me faire changer de nom de scène, que j'abandonne le "Petit" pour garder "Vodo" uniquement. Ca sonne bien mais ça ne correspondait pas à mon identité. Ce nom, il a une histoire. Je l'ai choisi en hommage à mon grand-père, Vodovitch, réfugié tchèque. Je suis Petit Vodo un point c'est tout.
[NDR : Et pourquoi pas ? Y a bien la Grande Sophie !]

Mener ta carrière de one man band, continuer la peinture, créer un label avec tout ce que cela implique. N’y a-t-il pas le risque de t’éparpiller et au bout du compte ne pas rencontrer le succès auquel tu peux prétendre avec Petit Vodo ?
Si (silence). T'as raison je me suis éparpillé. Beaucoup de gens autour de moi me l'ont dit (silence). Maintenant je l'ai compris, c'est pourquoi je suis content de revenir enfin avec un nouvel album et sur scène pour le défendre. La scène me manquait.

Quel serait à tes yeux le producteur idéal du prochain album de Petit Vodo ?
John Parish (le mentor de PJ Harvey)! J'ai rencontré John en Angleterre. Le courant est très bien passé. Il voulait bien produire mon album, mais le problème c'est qu'il ne travaille pas gratuitement... Faute de moyen j'ai dû y renoncer. En plus, à la même période où l'enregistrement allait commencer, John n'était plus libre, il s'était engagé sur un autre projet. Sinon comme autres producteurs… Jim Waters (Sonic Youth, Jon Spencer) ou encore Iggy Pop. les Stooges ont ouvert une large brèche au rock and roll garage, Iggy a toujours suivi une démarche rectiligne, il en a souffert et pour cela il m'est sympathique. Je pense qu'il pourrait m'apporter beaucoup. Il est également producteur et à en croire son travail avec Françoise Hardy, par exemple, il apprécie la french touch.

Nous arrivons au terme de cet entretien, pour finir deux question cons : j’ai remarqué que tu changeais tout le temps de lunettes, serais-tu sponsorisé par l’opticien bordelais Alain Afflelou ?
Bien qu'il soit de Bordeaux, je n'ai aucun intérêt chez lui. J'aime les lunettes, ce sont de merveilleux accessoires de séduction, et puis de toutes manières, j'ai pas le choix.

Question subsidiaire : ce soir tu as joué en première partie des Wampas, alors je te demande, si tu avais le portefeuille de Manu Chao…
Qui t'as dit que c'est moi qui ai piqué son portefeuille ? Clandestino....